Stratégies pour les médecines non conventionnelles

 
  • samedi 1er avril 2006.
  • Contribution du groupe de travail « médecines non conventionnelles » de la commission santé.

    1. État des lieux

    Le modèle biomédical occidental qui a de nombreux succès à son actif, se trouve confronté à de nouvelles difficultés. Dans un premier temps, il a résolu les grandes crises infectieuses, sans que l’on puisse totalement séparer dans les effets obtenus, ce qui tient aux moyens thérapeutiques mis en œuvre et les progrès de l’hygiène et de la nutrition. Or depuis trente ans, le cancer en particulier, se révèle être le grand échec de la médecine. En outre, de nouvelles maladies sont apparues, ou d’anciennes se sont réveillées. Plusieurs problèmes sont en cause :

    Face à ces inquiétudes, la confiance des patients s’effrite, même si le discours général prône un soutien aveugle. Cet état est renforcé par l’attitude de l’industrie pharmaceutique qui prétend à la « guérison » d’un certain nombre d’affections. En fait, il existe un fossé de plus en plus grand entre les faits et l’exposé officiel des faits. La lèpre en Afrique est guérie à 100% avec le traitement antibiotique ; c’est en tout cas ce qui est dit par les campagnes annuelles (journées mondiales des lépreux). Or le Pr. Yvette Parès, spécialiste de la lèpre, affirme que, d’une part ces traitements ne sont pas efficaces, et que d’autres part, ils sont très toxiques. Il en va de même pour de nombreuses affections, pour lesquelles, les prétendus succès sont relayés par les média sans aucun esprit critique. Une partie importante de la population souhaite à la fois, être soigné plus en profondeur, de façon non toxique et pour tout dire plus efficacement.

    L’intérêt pour les médecines non conventionnelles s’inscrit dans cette perspective. C’est ainsi qu’elles sont de plus en plus utilisées par les patients. En France, jusqu’à 75% des patients y ont eu recours au moins une fois. Cependant, l’usage régulier se situe plutôt autour de 40%. Face à cette demande, les thérapeutiques alternatives sont nombreuses. Sans prétendre à l’exhaustivité, citons parmi les plus pratiquées la chiropraxie, l’homéopathie, La médecine anthroposophique, la médecine traditionnelle chinoise (en ce compris l’acupuncture), la naturopathie, l’ostéopathie et la phytothérapie.

    La grande particularité de ces médecines, à part l’homéopathie et dans une moindre mesure la phytothérapie, c’est qu’elles ont été fondées ou importées ou enseignées par des non médecins. Quelques médecins les ont étudiées, et leurs pratiques ont ensuite été reconnues comme disciplines universitaires. Ce qui fait qu’il coexiste une importante population de thérapeutes non médecins plus ou moins clandestine et médecins qui pratiquent ces spécialités de façon plus ou moins discrète selon les cas. Le conseil de l’ordre des médecins ne voyant pas d’un œil favorable l’ensemble de ces thérapies et certaines en particulier. Actuellement, seules l’homéopathie, la médecine anthroposophique et l’acupuncture qui sont des orientations de médecine générale acceptées, ne posent pas trop de problèmes d’exercice. Encore que le remboursement des traitements ne soit pas sans poser de problèmes. En outre, certains traitements homéopathiques ne sont pas disponibles en France. Quant aux thérapeutes non médecins, ils sont relégués dans une clandestinité plus ou moins importante ; les ostéopathes ont dernièrement bénéficié d’une reconnaissance légale (loi Kouchner).

    Les médecines traditionnelles sont de ce point de vue exemplaires. En effet, les maîtres tradi-thérapeutes ne sont pas médecins, et ce sont eux seuls qui détiennent des savoirs ancestraux qui représentent pour une grande partie de la population mondiale la seule possibilité d’être soignée. Ces capacités sont contestées, à la fois, par les occidentaux qui voient leur pouvoir remis en cause, par les médecins locaux qui ont fait allégeance aux anciens colons et même par les populations locales qui voient dans les médicaments des « blancs » et des riches des moyens qu’ils revendiquent pour eux-mêmes. Or ces médecines traditionnelles ont eu l’occasion, malgré de nombreuses vicissitudes, de montrer toute l’étendue de leurs capacités. Voir l’hôpital de Keur Massar au Sénégal.

    2. Analyse des politiques gouvernementales

    L’Europe montre une grande diversité de situations avec des reconnaissances partielles des médecines non conventionnelles.

    L’Allemagne, par exemple, avec sa tradition des heilpraktikers a ouvert la voie à une plus grande tolérance dans ce domaine. Il y est acquis que l’exercice de la santé n’est pas réservé aux seuls docteurs en médecine. Néanmoins, les domaines de chacun sont bien définis.

    La Belgique, qui fût longtemps comme la France, un pays très contraignant voit peu à peu des aménagements aux règles d’exercice illégal de la médecine.

    L’Espagne, récemment, a libéralisé l’acupuncture.
    Dans les pays scandinaves, l’homéopathie est interdite aux médecins et seuls les non médecins peuvent la pratiquer.

    En France, l’acupuncture est reconnue par l’Académie de médecine depuis 1950 et peut être pratiquée légalement par les docteurs en médecine ; par ailleurs, les médicaments homéopathiques font l’objet d’un remboursement par la sécurité sociale au titre de prescriptions médicales.

    A part la loi Kouchner qui a proposé des avancées, encore n’a-t-elle pas reçue tous les décrets d’application, il n’y a pas de statut pour les médecines non conventionnelles. Pourtant, tant la demande, que la résolution « Lannoye », ou le rapport de l’OMS, tout concoure à une réglementation plus souple en la matière. Avec pour conséquence, que les patients réclament des soins pour lesquels ils ne sont ni remboursés ni protégés.

    3. Nature du débat du point de vue

    La problématique est complexe, car les médecines non conventionnelles sont nombreuses et hétérogènes. Leur émergence en Europe est souvent récente et a suscité la création de nombreuses écoles, tendances, obédiences qui rendent difficile un traitement collectif. Chaque école a été tentée de créer sa propre structure professionnelle afin de promouvoir sa conception. En outre, les médecines non conventionnelles ayant un caractère « naturaliste » invitent leurs pratiquants à des visions énergétiques, philosophiques ou spirituelles qui conduisent à des conceptions assez différentes. Ces orientations sont le plus souvent respectables mais désorientent facilement ceux qui seraient chargés d’unifier ou de réglementer les pratiques. Il faut pour arbitrer ces tendances être à la fois compétent et dégagé des conflits d’intérêt qui ne peuvent manquer de se manifester pour que telle ou telle tendance prenne le leadership de la profession. Jusqu’à maintenant, les autorités européennes se sont dégagées du problème en chargeant chaque profession de sa propre réglementation, sans que la situation ait beaucoup évoluée.

    Faute de véritable information, les citoyens cherchent souvent de façon erratique, les compétences des uns et des autres étant connues par le bouche-à-oreille. De nombreuses assertions erronées ou partiellement fausses sont colportées sans fondements : « l’acupuncture traite les douleurs » ; « l’homéopathie ne traite pas les maladies aigues » ; « l’ostéopathie est dangereuse » ; etc. Certaines revues font un travail remarquable, c’est le cas en particulier de la plus ancienne, « l’impatient », mais aussi « médecines nouvelles » ou « Votre santé ». Les patients en quête d’une alternative thérapeutique ne savent de quel côté se tourner, pourtant certains médecins, et même des services de cancérologie dépassés par le pronostic qu’ils ont prononcé n’hésitent pas à pousser les malades vers un magnétiseur, un acupuncteur, ou d’autres thérapeutiques susceptibles de soulager les douleurs, et même d’apporter des espoirs quelque peu irrationnels. Malheureusement, aucun partenariat institutionnel, aucune synergie n’existe, ainsi chacun au coup par coup, renvoie dans la nature le patient désemparé.

    Tout d’abord, disons le clairement, malgré ce manque d’encadrement, les médecines non conventionnelles ne sont pas coupables de dérapages majeurs, car si de tels cas avaient existé, ils n’auraient pas manqué d’être largement médiatisés. Sur ce point, le travail journalistique est particulièrement médiocre quand on voit le traitement qui a été apporté à l’affaire qui a mis en évidence des pratiques de kinésiologie. En effet, pas un journaliste n’a fait l’effort de prendre connaissance des principes de la kinésiologie, afin de vérifier si le décès de la petite fille était imputable aux bases de cette thérapie, ou bien s’il était la cause du délire du thérapeute et de la faiblesse de la famille. Cet exemple montre le traitement moyenâgeux et inquisitorial de l’information médicale quand celle-ci n’a pas un caractère orthodoxe. Il reste qu’un système de santé digne de ce nom ne peut pas laisser des pratiques médicales évoluer dans ce marigot, et doit proposer un système d’évaluation satisfaisant.

    La première des protections du patient repose sur la mise au grand jour des pratiques. Actuellement, certaines méthodes très contestables n’existent qu’en raison de la clandestinité dans laquelle le système les maintient. Comme toutes les médecines non conventionnelles exercées par des non médecins et toutes celles qui ne sont pas reconnues, bien que pratiquées par des médecins, restent discrètes, alors, il n’y a pas de publicité autour de la compétence et de la réussite.

    Toute politique médicale raisonnée repose cependant sur l’évaluation des pratiques, ne serait-ce que pour en tirer le meilleur parti possible et éliminer celles qui n’apportent rien tout en coûtant à la collectivité.
    Il n’existera jamais d’évaluation exhaustive d’une médecine, car trop de situations sont possibles. Il est toujours possible d’évaluer l’impact d’une technique médicale dans une situation thérapeutique spécifique, mais elle ne rendra jamais compte de toutes les situations, c’est pourquoi une telle approche constitue une impasse.
    Il n’y a pas non plus possibilité d’évaluation d’une médecine dans l’absolu, car chaque médecine est issue d’une culture, d’un système de pensée. Il serait illusoire et culturellement arrogant de chercher à classer telle approche par rapport à telle autre.

    Nous proposons donc une démarche d’évaluation positive, s’est à dire basée sur une attitude de curiosité et d’acceptation bienveillante des différences.

    Actuellement, le financement des médecines non conventionnelles est assuré par les patients eux-mêmes, ce qui est partiellement injuste pour plusieurs raisons.

    Néanmoins, on peut raisonnablement se demander s’il est normal de faire supporter par la collectivité l’entretien de sa santé. On a beau être assuré pour sa voiture, l’entretien reste à la charge de l’utilisateur. Le principe de l’utilisateur-payeur renforce la responsabilité de chacun. C’est peut être une idée qu’on ne devrait pas rejeter par principe. Il reste néanmoins, à garantir la solidarité chère à nos valeurs.

    Pour autant, il apparaît souvent un rapport plus responsable vis-à-vis de santé chez les utilisateurs des médecines non conventionnelles qui les conduit à éviter les conduites à risques et à anticiper des attitudes propres à préserver leur santé.

    Il est déjà démontré que l’homéopathie donne lieu à des prescriptions moins coûteuses et produit moins de journées d’arrêt de travail. Sur des pathologies ciblées, sciatalgies par exemple, les résultats sont très probants et rapides que ce soit avec l’ostéopathie ou l’acupuncture. Ce sont des études qui restent à approfondir.

    4. Expérience significative

    Il est difficile de trouver, en France, des expériences intéressantes, dans la mesure où ces pratiques sont le plus souvent interdites. On trouve par contre, à l’étranger, Canada, Allemagne, Suisse, des « maisons pluridisciplinaires de santé » comme la première clinique de médecine intégrée du Québec fondée en 2003.

    Ces structures fonctionnent toutes sur l’initiative et le pilotage de médecins, ce qui ce conçoit dans l’esprit d’une intégration à la médecine occidentale, mais place toujours les médecines non conventionnelles dans une position de sujétion. Ce qui fait, que même dans ces situations favorables et utiles pour les médecines non conventionnelles et les patients qui les utilisent, celles-ci restent dans un statut de minorité professionnelle. Elles n’accèdent pas au rang d’adulte.

    Là où on peut trouver les situations les plus riches, c’est paradoxalement dans les pays du tiers monde. En effet, la misère des moyens face à l’ampleur du désastre a poussé certains acteurs à revenir aux connaissances ancestrales ; c’est d’ailleurs l’une des préconisations de l’OMS. Les savoirs n’ont pas encore disparu, même s’il s’en faut de peu, et les produits de traitement sont largement disponibles et peu coûteux. Il fallait pour cela l’impulsion d’esprits éclairés, qui luttent tout d’abord contre leur propre culture scientifique moderne, mais aussi contre leurs pairs, le manque de moyens économiques, le manque de confiance des autochtones dans leur culture, fruit d’un inlassable travail de destruction du colonialisme puis du néocolonialisme d’origine libéral et mondialiste.

    Ce fût le cas du travail d’Yvette Parès avec l’hopital traditionnel de Keur Massar, mais aussi des travaux sur la médecine Shuar en Amazonie sous l’égide de l’association ARUTAM, pilotée par Jean Patrick Costa et « Pharmaciens Sans Frontières ».

    Également, la médecine Ayurvédique reste très vivace dans la culture indienne, et la population continue d’y être très attachée.

    Il semble de ce point de vue, qu’il y ait deux situations différentes, mais qui peuvent s’avérer complémentaires. Si on considère qu’un des objectifs est de promouvoir les médecines non conventionnelles afin de proposer une alternative crédible à la biomédecine occidentale, alors on pourra considérer les expériences de structures traditionnelles de soins dans les lieux où elles sont présentes comme particulièrement significatives de l’efficacité des médecines traditionnelles locales. Ainsi, celles-ci pourront faire valoir leur légitimité à reprendre la place qu’elles n’auraient jamais due perdre. C’est l’une des actions que les Verts pourraient promouvoir afin d’engager chez nous une démarche similaire à des l’égard de nos pratiques non conventionnelles dont on peut considérer qu’elles sont une tentative de retrouver une médecine traditionnelle qui fût la nôtre et que nous avons perdu depuis longtemps.

    5. Analyse des Verts

    Nous devons appliquer à la santé les principes que nous sommes en train de déterminer pour l’agriculture. Nous avons compris que la production alimentaire ne peut pas se satisfaire d’une proximité toxique. Dans le cadre de la santé environnementale, même si toutes les substances n’ont pas été testées, on a suffisamment de recul pour observer les dégâts de ces produits sur la santé des agriculteurs, mais aussi sans doute sur celle des consommateurs. La nécessité de « protéger » une culture ne saurait justifier l’usage d’un produit polluant et potentiellement dangereux. Cette prise de conscience est sans doute à l’origine du titre d’un forum de la commission agriculture aux journées d’été 2005 : « Objectif Bio 2007 ».

    Il est temps de prendre conscience des pollutions d’origine médicale ; la plus grosse réactivité nucléaire est d’origine hospitalière. Avant de polluer l’environnement extérieur, les médicaments sont source de pollution interne. Dès lors que l’on constate les limites des traitements actuels, est il raisonnable d’augmenter encore leur puissance et donc leur toxicité ? Le moment est venu de se demander si on n’est pas dans une impasse.
    Notre rôle n’est pas de définir ce que doit être la médecine de demain, par contre nous devons avoir une vision de notre avenir et proposer des actions susceptibles de faire évoluer les conceptions de la santé dans un sens qui nous paraît opportun.

    Par exemple, la médecine traditionnelle du Sénégal a montré toutes ses performances dans le domaine de la lèpre et du SIDA, de très loin supérieures à celles de la médecine occidentale et pourtant c’est cette dernière qui impose son diktat. Le seul moyen de mettre en évidence les avantages comparés entre les différents moyens c’est de les mettre en concurrence.

    Ainsi, dans notre programme,

    Néanmoins cette partie du programme élude deux aspects :

    6. Objectifs 2007

    Christian Portal
    Pour le groupe de travail sur le pluralisme thérapeutique
    de la commission santé des Verts

    Un article du site : Pour une médecine écologique
    https://medecine-ecologique.info/article.php3?id_article=1