Médicaments, rejets dans les eaux

Les médicaments dans les eaux : enfin une évaluation des risques

 
  • dimanche 10 juin 2007.
  • En France, aucune réglementation n’existe concernant la présence de substances médicamenteuses dans l’environnement. Mais les premières étapes visant à mieux déterminer les molécules problématiques et à évaluer leurs risques potentiels sont en cours d’exécution. par Agnès Ginestet (Journal de l’environnement)11/08/2006 11:06

    Depuis janvier 2006, la Direction générale de la santé s’est enfin attaquée au problème. Elle a en effet demandé à l’Agence française de la sécurité sanitaire des aliments (Afssa) de faire un point scientifique sur les résidus médicamenteux dans l’environnement. « L’un des objectifs est d’établir une synthèse de toutes les études existantes actuellement très dispersées », explique Muriel Eliaszewicz, directrice de l’évaluation des risques nutritionnels et sanitaires à l’Afssa. Les partenaires devront notamment hiérarchiser les substances selon leur degré de toxicité, déterminer les techniques d’analyse adéquates à mettre en place, et faire des recommandations pour quantifier les bonnes molécules selon un protocole adapté (méthodes de dosage). Les Agences de l’eau commencent également à évaluer la présence de médicaments dans les ressources en eau, dans le cadre de l’action 11 du Plan national santé environnement (PNSE).

    Hypocholestérolémiants, antiépileptiques ou encore produits de contraste utilisés en radiologie : ce sont quelques une des substances que l’on trouve dans les eaux usées des hôpitaux mais aussi des foyers. D’autres substances destinées aux animaux comme les antibiotiques sont également rejetées dans l’eau après épandage des médicaments dans les étables ou via les urines et les fèces. De façon générale, ces médicaments sont présents à très faibles doses (quelques nanogrammes par litre dans les eaux douces de surface). « L’activité biologique de certains d’entre eux pourrait parfois être conservée même à de telles doses et ce point nécessiterait d’être évalué », estime Muriel Eliaszewicz.

    Jean Duchemin, chargé d’étude eau et santé à l’Agence de l’eau Seine-Normandie, juge de son côté qu’il n’y a pas de quoi s’alarmer vis-à-vis de la santé humaine. « Dans les ressources d’eau utilisée pour l’alimentation, les niveaux de médicaments sont 100 à 1.000 fois plus bas que ceux fixés par les normes concernant les pesticides, et ce avant même le passage par l’usine d’eau potable », indique-t-il. Pour lui, les lessives et les cosmétiques restent des sujets de préoccupation plus urgents.

    Mais tout n’est pas si simple, car les chercheurs n’ont pas encore conclu à l’absence de risque. Une étude indique que pour 90% des substances testées, boire deux litres l’eau potable pendant 70 ans équivaut à être exposé à moins de 0,2 dose thérapeutique. Pour en arriver à ces résultats, 63 substances médicamenteuses représentatives des classes thérapeutiques les plus largement utilisées ont été analysées dans le cadre d’une étude menée en Allemagne en 2003 par le Cefic, l’organisme européen représentant l’industrie chimique [1]. Mais d’autres travaux scientifiques s’avèrent moins affirmatifs quant à l’absence d’effets des produits thérapeutiques dans l’eau.

    A ce point d’interrogation s’ajoute celui d’un nouveau risque environnemental : les nouvelles substances produites grâce aux nanotechnologies. « La solubilité des molécules pourrait être augmentée, ce qui rendrait le dosage dans l’eau plus délicat encore qu’il ne l’est actuellement, et le temps de persistance dans l’environnement pourrait être prolongé », précise Muriel Eliaszewicz.

    [1Indirect human exposure to pharmaceuticals via drinking water, Webb S. et al., 2003, Toxicology letters, 142, 157-167

    Un article du site : Pour une médecine écologique
    https://medecine-ecologique.info/article.php3?id_article=61